PÉTRONE

PÉTRONE
PÉTRONE

Sous le nom de Pétrone, on possède des fragments d’un roman latin, dont le titre est donné par les manuscrits sous la forme Satiricon (c’est-à-dire «Histoires mêlées»), l’auteur y étant appelé Petronius Arbiter. La partie conservée consiste d’abord en «extraits longs», contenus dans un manuscrit de Leyde, puis dans le récit du festin de Trimalchion (Cena Trimalchionis ), transmis par un manuscrit de la Bibliothèque nationale de Paris, enfin des «extraits courts», connus par divers manuscrits. L’ensemble est très lacunaire, et le fil du récit se laisse malaisément reconstituer.

Il est vain de chercher dans ce roman une condamnation morale de l’époque néronienne; les épisodes érotiques ne sont que des «divertissements», certains allant jusqu’à la farce; l’inspiration épicurienne (sérénité devant la mort, mépris de la superstition) est plus profonde. Le Satiricon , très imité par les conteurs latins du XVIIe siècle, est à l’origine du genre picaresque.

Thèmes et aventures

On peut considérer que le sujet est l’histoire d’un jeune homme, Encolpe, qui la raconte lui-même à la première personne, selon une convention fréquente dans le roman antique. Probablement parti de Rome, cet Encolpe, qui est un «étudiant avancé», a commis plusieurs méfaits: il a offensé gravement le dieu Priape, «patron» de la sexualité virile, et l’un des thèmes du roman est la vengeance du dieu; mais la religion de Priape, qui appartient à la mystique populaire, n’est pas, ici, prise au sérieux. Encolpe a commis d’autres crimes; peut-être est-il coupable de sacrilège, pour avoir dérobé des objets sacrés dans un temple; condamné pour cela aux bêtes, il a réussi à s’enfuir et s’est rendu en Campanie, où se déroule la plus grande partie de l’action conservée. Lorsque nous le rencontrons, il voyage avec un rhéteur, Agamemnon, qui parcourt les villes à la manière des professeurs itinérants de ce temps; il traîne avec lui un adolescent, Giton, qui est son «mignon» et il a aussi un compagnon, Ascylte, qui lui dispute les faveurs de Giton. Encolpe, sur sa route, est passé par Baïes (près de Naples), où il s’est fait des ennemis: une courtisane nommée Tryphène et un navigateur, un riche marchand, Lichas, ainsi que sa femme, Hédylé.

Les premiers épisodes conservés nous montrent Encolpe et Ascylte essayant de vendre au marché un manteau qu’ils ont volé, puis aux prises avec une femme de mœurs légères, Quartilla, qui les entraîne dans une orgie d’où ils échappent à grand-peine. Sur ce, on vient leur rappeler qu’ils sont invités à dîner, avec Agamemnon, par Trimalchion. L’épisode commence dans les thermes publics, où l’on voit Trimalchion (dont le nom, aux racines sémitiques, suggère l’idée de «puissant roi») jouer à la balle dans un costume grotesque. C’est un ancien esclave syrien, venu tout enfant en Italie, et qui a gagné sa liberté et commencé sa fortune en rendant des services à son maître et à la femme de celui-ci. Maintenant, il possède des domaines sans nombre, qu’il administre en grand seigneur ridicule, avec l’aide de sa femme, Fortunata, ancienne prostituée très âpre au gain. Encolpe décrit par le menu la maison de son hôte (une maison de type pompéien – mais il est probable que la scène se passe à Puteoli, aujourd’hui Pouzzoles) puis les détails du dîner, avec ses rites étranges: tous les valets chantent, il faut entrer du pied droit dans la salle à manger (le pied gauche porte malheur), etc. Le repas dure longtemps; chaque service donne lieu à des plaisanteries, des surprises, des symboles; il y a une loterie, une scène de chasse, des bateleurs, et, surtout, la conversation. On y découvre l’hôte, parvenu sans culture, mais vaniteux et assez bonhomme, qui éprouve un grand respect pour la science d’Agamemnon. Autour de lui, ses amis, affranchis comme lui, mais restés plus simples; leurs propos permettent d’évoquer la vie quotidienne de la petite ville: scandales, événements d’actualité (un tel a condamné son intendant aux bêtes; quels beaux jeux nous allons avoir! mais le pain est cher, et puis, il y a la sécheresse...). On raconte des histoires, celle du soldat qui devenait loup-garou par exemple (les histoires insérées se retrouvent dans d’autres parties du roman, comme, plus tard, celle de la matrone d’Éphèse; on est ici dans la tradition de l’histoire «milésienne», que reprendra Apulée). Mais on boit beaucoup, Trimalchion est ivre; il veut faire une répétition de ses funérailles; des joueurs de cor, mandés pour cela, font un tel vacarme que les vigiles accourent, croyant qu’il y a le feu.

Le lendemain, après une dispute entre Encolpe et Ascylte à propos de Giton, entre en scène un nouveau personnage, le vieux poète Eumolpe, qui récite à Encolpe un poème sur la prise de Troie, et devient, lui aussi, amoureux de Giton. Ascylte, lui, devient l’ami d’un puissant personnage de la ville, et les autres, pour fuir sa vengeance, s’embarquent sur le premier bateau venu. Malheureusement, c’est celui du marchand Lichas; reconnus, Giton et Encolpe sont d’abord maltraités, puis on se réconcilie; sur quoi survient une tempête: Encolpe, Eumolpe et Giton sont jetés à la côte près de Crotone. Là, pour vivre, Eumolpe se fait passer pour un riche étranger sans enfants, sur quoi tous les habitants de la ville lui font la cour, pour figurer sur son testament. L’action se ralentit. Eumolpe récite un long poème épique sur la guerre civile (sujet traité par Lucain, vers le même temps) tandis qu’Encolpe a une aventure galante avec la courtisane Circé, mais la malédiction de Priape l’empêche de satisfaire celle-ci, qui le fait chasser par ses valets. Deux vieilles prêtresses entreprennent de rendre sa vigueur à Encolpe, mais en vain. Les fragments du texte conservés cessent au moment où Eumolpe vient de rédiger un testament imposant à ses héritiers de manger son cadavre.

Thèses et hypothèses

Le Satiricon a été certainement écrit au temps de Néron; il présente le tableau de cette époque (mœurs, richesse des affranchis, modes littéraires, mention de quelques personnages secondaires: un acteur, un musicien, un gladiateur), mais ce n’est pas un roman «à clef». Quel est son auteur? Tacite (Annales , XVI, XVIII-XX) raconte la mort d’un certain Titus Petronius, ami de Néron, mais condamné à mort par celui-ci, et qui se serait vengé en rédigeant de sa main le récit «des débauches du Prince, sous le nom d’invertis et de prostituées», et l’on a pensé que cet écrit serait le Satiricon , ce qui est peu probable. Trimalchion n’est ni Narcisse, ni Pallas, ni, encore moins, Néron. Cela n’empêche pas le Petronius de Tacite d’être, très probablement, l’auteur du roman. Ce personnage, membre du cercle des intimes de Néron, comme Lucain, suivit une carrière sénatoriale; il fut gouverneur de Bithynie, puis consul (probablement en 62); Tacite lui reproche d’avoir fait du luxe l’un des beaux-arts et couvert ses débauches d’une simplicité élégante, qui lui aurait valu le surnom d’Arbitre des élégances (arbiter elegantiarum ). Après la conjuration de Pison, avec l’influence grandissante de Tigellin, Petronius fut disgrâcié et dut se tuer. Son nom complet était Titus Petronius Niger, le surnom d’Arbiter mentionné par les manuscrits serait le sobriquet qu’il avait à la cour. De toutes les hypothèses relatives à l’auteur du Satiricon , celle-ci est la moins improbable.

Pétrone
(en lat. Caius Petronius Arbiter) (m. en 66 apr. J.-C.) écrivain latin; auteur présumé du Satiricon, roman réaliste (dont divers chapitres ont été perdus), mélange de vers et de prose, dépeignant les moeurs corrompues de l'époque. Impliqué dans le complot contre Néron, il se donna la mort.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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